dimanche 18 octobre 2015

Ethique & patrimoine culturel : quid de l'art brut ?

Les mardi 20 et mercredi 21 octobre 2015, se tient à l'Ecole du Louvre à Paris un colloque intitulé : Éthique et patrimoine culturel. Regards croisés. A cette occasion, l'art brut sera interrogé au prisme des problèmes éthiques que soulève le processus d'artification propres aux objets qui lui sont indexés.

Ici en lien le programme de l'événement et ci-dessous un court résumé de l'intervention de Baptiste Brun, membre du Crab, pensée pour ce colloque.


Baptiste Brun, Art brut et artification : l'éthique en question (résumé)


Au sein du monde de l'art contemporain, la mode est à l'art brut entendu comme catégorie artistique. Initié avec la modernité du début du 20e siècle, le processus d'artification d'objets issus dans leur grande majorité des confins de la psychiatrie, de la déficience ou du handicap mental, semble aujourd'hui mené à terme avec leur patrimonialisation et leur marchandisation.
Paradoxalement, cette dynamique semble ne pas encore avoir entraîné une réflexion éthique digne de ce nom. Elle est pourtant nécessaire. Le statut particulier de ses objets (quant à leur genèse, à leur contexte de production, au statut social de leur auteur, etc) pose des problèmes inédits qu'il s'agit de répertorier et de critiquer. Ainsi l'envolée du marché se fait non sans une certaine absence de garde-fou juridique laissant parfois les auteurs d'art brut sur les bas-côtés de la plus-value. De même, des collectionneurs soucieux d'acquérir en nombre des œuvres rares le sont moins quand il s'agit de prendre en compte l'impact psychologique de leur lubie sur des auteurs fragiles, dont le travail s'apparente parfois à une raison d'être au monde et qui, dès lors, se sentent dépossédés.
Après avoir rappelé les principales caractéristiques du procès d'artification relatif aux objets apparentés à l'art brut – un « cas d'école » pour ce champ théorique (Heinich, Schapiro 2013) –, je présenterai trois exemples illustrant certains problèmes éthiques relatifs à ce monde de l'art.
Là où l'artiste se voit presque entièrement confisqué l'autorité du discours, dans un « passage à l'art » où le sujet de l'art est plus que jamais le supposé « découvreur » qui rend publique sa « découverte », c'est à dire la rend monnayable, le pouvoir de l'argent n'est pas loin, redistribuant les rôles. La course à la légitimation scientifique doublée d'une pratique vivace d'abus de langage de la part de ces amateurs instaurent une lecture à double-tiroir, masquant l'interactionnisme constitutif de l'art brut (là où se rencontrent deux sujets) sous le vernis d'un essentialisme dangereux.